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Spirits de Mirabeau
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3 novembre 2016

TOUAREG.. "Un homme bleu"

Interview réalisée avec "un homme bleu" par :
VICTOR-M. AMELA a : MOUSSA AG ASSARID

 


« TOUAREG »

 

Un_touareg


   Je ne sais pas mon âge. Je suis né dans le désert du Sahara, sans papiers. Je suis né dans un campement de nomades Touaregs, entre Tombouctou et Gao, au nord du Mali. J’ai été le gardien des dromadaires, chèvres, moutons et vaches de mon père. Aujourd’hui j’étudie la gestion à l’université de Montpellier. Je suis célibataire. Je défends les bergers Touaregs. Je suis musulman. Sans fanatisme.

   Quel beau turban !

C’est fait en fine toile de coton. Cela permet de couvrir le visage, dans le désert, et de continuer à voir et à respirer.

   C’est d’un bleu très particulier.

Nous, les Touaregs, sommes appelés "les hommes bleus" pour cela.
Le tissu déteint un peu et notre peau prend cette couleur bleutée.

   Comment obtenez-vous cette couleur ?

Avec une plante appelée indigo mélangée à d’autres pigments naturels.
Pour les Touaregs le bleu est la couleur du monde.

   Pourquoi ?

C’est la couleur dominante : celle du ciel, de nos tentes…

   Qui sont les Touaregs ?

Touareg signifie "abandonnés", parce que nous sommes un peuple de nomades du désert très ancien. Nous sommes solitaires et orgueilleux.
On nous appelle aussi "les seigneurs du désert".
Notre ethnie est Amasigh (Berbère), et notre alphabet est Tifinagh.

   Vous êtes nombreux ?

Trois millions environ. Et la majorité reste nomade. Mais la population diminue. Est-il besoin qu’un peuple disparaisse pour qu’on sache qu’il a existé ? Disait un sage… Je lutte pour préserver mon peuple.

   Comment vivez-vous ?

Nous nous occupons des troupeaux (dromadaires, chèvres…) dans un royaume immense et silencieux.

   Le désert est très silencieux ?

Quand on est seul dans ce silence on entend battre son cœur.
Il n’y a pas meilleur endroit pour être seul.

   Quel souvenir d’enfance avez-vous ?

Le réveil avec le soleil et au loin les chèvres de mon père… Elles nous donnent le lait et la viande. Nous les emmenons là où il y a de l’herbe et de l’eau. C’est ainsi que faisaient les anciens. C’est ainsi que nous continuons de faire. Pour moi il n’y avait rien d’autre et j’étais heureux comme ça.

   Mais ce n’est pas très stimulant.

Mais c’est beaucoup ! A sept ans on te laisse déjà t’éloigner du campement pour que tu apprennes des choses importantes : flairer l’air, écouter, développer ton acuité visuelle, t’orienter avec les étoiles…
Et te laisser guider par le dromadaire si tu te perds car il t’emmènera toujours où il y a de l’eau.

   Savoir tout cela a beaucoup de valeur.

Là, tout est simple et profond. Il existe peu de choses et chacune d’elles a beaucoup de valeur !

   Nos deux mondes sont très différents.

Là, un petit rien peut te donner beaucoup de bonheur. Toute chose est valorisée. Nous ressentons beaucoup de joie à être ensemble.
Personne ne rêve d’être parce que nous le sommes déjà.

  Qu’est-ce qui vous a le plus frappé lors de votre voyage vers l’Europe ?

Voir les hommes courir dans l’aéroport. Dans le désert, quand on court c’est parce qu’arrive une tempête de sable. J’ai eu peur…

   Ils allaient chercher leurs bagages.

Oui, c’est ça. J’ai aussi vu des affiches de femmes nues. Je me suis demandé : pourquoi ce manque de respect envers les femmes ?
Ensuite, à l’hôtel, j’ai vu le premier robinet d’eau. Elle coulait si facilement... J’ai eu envie de pleurer.

   Quelle abondance et quel gâchis, non ?

Tous les jours de ma vie ma préoccupation principale était de trouver de l’eau. Quand je vois le nombre de fontaines qui décorent la ville, je ressens une douleur intense…

   Tant que ça ?

Oui. Au début des années 90 – j’avais douze ans – il y a eu une grande sécheresse. Les animaux mouraient. Nous sommes tombés malades. Ma mère est morte. Elle était tout pour moi. Elle me racontait des histoires, m’enseignait comment raconter… Elle m’a enseigné à être moi-même.

   Qu’est-il arrivé à votre famille ?

J’ai convaincu mon père de me laisser aller à l’école. Tous les jours je marchais quinze kilomètres. Jusqu’au jour où un professeur m’a trouvé un endroit pour dormir et une femme qui me donnait à manger, quand je passais devant chez elle. J’ai appris plus tard que c’était l’œuvre de ma mère.

   Pourquoi cette envie d’étudier ?

Deux ans auparavant le rallye Paris-Dakar est passé par notre campement. Une journaliste avait laissé tomber un livre. Je l’ai ramassé et lui ai rendu. Elle me l’a offert. C’était un exemplaire du « Petit Prince ».
Je me suis promis de parvenir à le lire un jour.

   Et vous avez réussi.

Oui. C’est ainsi que j’ai obtenu une bourse d’études et je suis venu en France.

   Un Touareg à l’université !

Ce qui me manque le plus ici, c’est le lait de chamelle, la chaleur du feu, marcher pieds nus dans le sable encore chaud… Là-bas on regarde les étoiles toutes les nuits et chacune est différente de l’autre. Les chèvres non plus ne se ressemblent pas. Ici, vous regardez la télévision.

  Que trouvez-vous de pire ici ?

Vous avez tout mais ce n’est pas assez. Vous vous plaignez. En France, les gens réclament tout le temps. Vous vous emprisonnez votre vie à une dette bancaire, un désir de posséder tout, de suite, et ce n’est toujours pas suffisant. Dans le désert il n’y a pas d’embouteillages.
Vous savez pourquoi ? Parce que personne ne veut dépasser personne.

   Racontez-moi un moment très heureux de votre lointain désert.

Tous les jours, un peu avant le coucher du soleil, la température baisse.
Ce n’est pas encore le froid. Les hommes et les animaux, lentement, rejoignent le campement. Leurs silhouettes se découpent dans le ciel rose, bleu, jaune, rouge, orangé…

   Fascinant.

C’est un moment magique. On rejoint tous la tente et on fait bouillir l’eau pour le thé. On s’assoit en silence et on écoute l’eau bouillir. La paix nous envahit et nos cœurs battent au rythme de l’eau en ébullition.

   Quel calme !

Ici vous avez des montres. Là-bas nous avons le temps. Vous avez la montre et j’ai le temps. Dans nos vies, le temps ne doit pas être à peine celui qu’indique votre montre. Combien de fois vous dites : je n’ai pas le temps ? Le temps est comme une rivière. Vous ne pouvez pas toucher deux fois la même eau parce que l’eau est passée et ne repassera plus.

Profitez de chaque moment de cette vie. Trouvez le temps de vivre.
Si vous vivez en racontant que vous êtes occupés, alors vous ne serez jamais libres. Si vous dites tout le temps que vous n’avez pas le temps, vous ne l’aurez jamais. Si vous laissez les choses pour demain, sachez que demain peut faire faux bond. Carpe diem et soyez heureux.

 

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  • Ce groupe de développement spirituel tient deux réunions chaque semaine à Mirabeau. Il pratique la communication avec les esprits, sans les invoquer, depuis 1985. Comprendre la mort, l'utilité de la réincarnation, c'est mieux comprendre le sens de la VIE
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