Poème de R.F. COMPLAINTE DE NOËL.

Poème inspiré de Rolande Fanés

« Complainte de Noël »

La braise est mourante et la brise peu clémente,
Je tends dans la rue mes deux mains tremblantes,
Oh, non ! Pas pour quémander une problématique aumône,
Ce n’est pas à des miséreux comme moi que l’on donne.
J’essaie de réchauffer un peu mes doigts engourdis
Avec une ultime braise qui va s’éteindre avant la nuit.

J’ai fait un rêve cette nuit, sous le vieux pont de pierre,
Le ciel avait enfin répondu à mes ardentes prières,
Et je voyais mes gosses vêtus de bons lainages chauds
Sauter en riant par-dessus les ruisseaux.
Las ! ce n’était qu’un rêve et lorsque j’ouvris les yeux
Leurs pieds nus se traînaient sur les trottoirs fangeux.

Pourtant, c’est Noël, est-ce que je n’aurais pas droit
À goûter, moi aussi, ici bas à un peu de joie ?
Il est trop haut, le bon Dieu, il ne voit pas le pauvre gueux
Qui se traîne à genoux dans les ruisseaux boueux.
Je n’ai pour ma part droit qu’aux éclaboussures
Que les bottillons fourrés me jettent à la figure.

Il est né, cette nuit le sauveur, d’après eux,
Sauveur de quoi, je vous demande un peu !
A-t-il sauvé la moitié du monde de la misère,
A-t-il donné un toit à mes gosses et à leur mère ?
Mes deux jambes, il ne me les a pas rendues.
La vie a fait de moi un vagabond, un vaincu.

« Bonsoir, petit tu ne vas pas à l’église ?
Pourquoi me regardes-tu avec un air triste.
Je te fais pitié, n’est-ce pas petit gars ?
Tu secoues la tête, non ce n’est pas cela ?
Tu te penches vers moi, mon Dieu, tu m’embrasses !
Tu n’as donc pas peur de te souiller à ma crasse ?

Non, je veux pas de ton argent petit,
Ton baiser à pour moi bien plus de prix.
Va, maintenant, tu m’as réchauffé le cœur. »
Grande bête, voilà à présent que je pleure !
Et ces larmes qui sinuent sur ma joue,
Ont éteint la braise qui mourait dans l’air fou…

Rolande Fanés